À partir du 16ème
siècle naquit dans l'art européen la tradition de ce qu'on appelle
les « mondes contraires » ou « inversés ».
L'idée de ces petites
représentations est d'inverser les normes, c'est ainsi les poissons
qui pêchent les hommes, les bœufs qui charrient l'homme, les femmes
qui montent la garde pendant que les maris gardent les enfants, etc.
Ces petites
représentations servaient, malgré un air anodin, enfantin et
débonnaire, en quelque sorte d'exutoire et avaient aussi un côté
subversif et politique.
En effet, sous des régimes dictatoriaux –
comme en France, après la restauration, celui de Louis XVIII, qui
était peu enclin aux expressions libres, époque qui connut un boum des
ces représentations – ces petites vignettes, montrant un monde où
tout était possible, étaient aussi un moyen de ridiculiser le
pouvoir, d'avoir un message politique, tout en contournant la
censure.
Elles ont ainsi été le
témoin humble de l'évolution d'une société vers la démocratie
mais aussi d'une émancipation lente des femmes.
Voici une manifestation contemporaine, avec le livre "un monde à l'envers" de l'artiste Atak :
Mais cette idée
d'inversion des normes peut aussi devenir un prétexte poétique,
comme pour cette petite poésie de William Brighty Rands intitulé le
monde à l’envers :
Le monde à l’envers
La rue se promène dans les
hommes,
Les ratures effacent la gomme ;
La table se cache sous
le chat,
La caserne s’ennuie dans le soldat ;
Le pont passe
sur la petite fille,
Le cocon tisse sa chenille ;
La lande
broute le mouton,
Le jardin pousse dans l’oignon ;
Le poème
fait naître un poète,
Le marathon gagne un athlète ;
La mer prend le bateau,
Le sable
marche sur le chameau ;
La salle d’attente ronfle dans le
poêle,
Le grand jour éclate au scandale ;
Le cheval pique le
flanc du taon,
Un arbre déracine l’ouragan ;
La vache trait
la fermière,
Le proverbe roule dans la pierre ;
La ruche
quitte enfin l’essaim,
Le jet d’eau s’orne d’un bassin
;
Les billets vérifient le contrôleur,
Demain sera pour le bonheur.
Nous nous sommes d'ailleurs essayés en groupe à
l'exercice, avec des résultats variés, dont voici
quelques uns dont je me souviens (n'ayant pas eu malheureusement l'idée de les noter directement) :
c'est la voiture qui
conduit l'humain
la route qui roule sur la
voiture
l'origami qui plie
l'enfant
l'enfant qui apprend à
dessiner à Nicolas (au prof de dessin)
les blocs qui
construisent l'enfant.
Cette idée du monde inversé à été le point de départ d'un travail en cours, dont j'espère pouvoir donner un aperçu prochainement.